Par Colin Todhunter, le 30 décembre 2014
Les USA, en tant que nation, consomment davantage que n’importe quelle autre nation, et ce aux dépens de presque toutes les autres. Le système du pétrodollar a garanti que les importations vers les USA restent peu coûteuses et facilement disponibles. Après 1945, Washington a réussi à tirer tous les avantages du labeur et des ressources matérielles des pays pauvres.
Considérez que les nations « en voie de développement » représentent plus de 80% de la population mondiale mais ne consomment qu’à peu près un tiers de l’énergie mondiale. Gardez également à l’esprit que les citoyens US constituent 5% de la population mondiale mais consomment 24% de l’énergie mondiale. En moyenne, un citoyen US consomme autant d’énergie que deux Japonais, six Mexicains, 13 Chinois, 31 Indiens, 128 Bangladais, 307 Tanzaniens et 370 Éthiopiens [1].
Les USA sont à même de consommer autant que ça du fait de la forte demande existante pour le dollar US: il s’agit de la monnaie internationale de réserve. Cette demande en faveur du dollar est assurée puisque la majeure partie du commerce international se fait avec cette monnaie. Le système monétaire international qui a émergé de la Conférence de Bretton Woods, vers la fin de la Seconde Guerre Mondiale, reposait sur les USA comme puissance économique dominante et principale nation créditrice, et a vu la création de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International pour servir les intérêts de Washington.
Depuis lors, les USA ont été en mesure de plier le système commercial et financier à leur avantage. Par exemple, dans les années ’70 la hausse du prix du pétrole a permis l’arrivée à Washington d’un énorme flux de bénéfices originaires d’Arabie Saoudite qui, après avoir vendu son pétrole a acheté des Bons du Trésor US. Au même moment, les pays qui, en Afrique, essayaient d’échapper au joug du colonialisme européen ont été durement frappés par l’augmentation du prix du pétrole. C’était, pour Washington, un bénéfice sur les deux tableaux. Les USA ont pu prêter les bénéfices investis par les Saoudiens via leur pétrole à ces nations démunies et ainsi assurer la continuation de leur servitude (surtout quand les taux d’intérêt ont grimpé), cette fois envers Washington [2].
En dépit de l’émergence en cours des BRICS et de la Russie et La Chine qui conduisent un commerce bilatéral dans leurs monnaies respectives, le dollar conserve la mainmise du système monétaire international, du moins pour l’instant. En conséquence, la perspective d’une guerre nucléaire impliquant les USA et la Russie (et la Chine) est une menace réelle et immédiate.
La seule véritable alternative est de s’éloigner du militarisme et des conflits basés sur les ressources en réorganisant les économies, afin que les nations florissent à l’intérieur de leurs moyens économiques et environnementaux. Un élément crucial pour y parvenir implique une réorientation majeure concernant l’agriculture et la production alimentaire.
Ceci étant dit, Monsanto et le cartel de l’agribusiness qui est le sien continuent de coloniser des domaines de l’agriculture en offrant toujours la même chose, en ceci qu’ils sont liés à un complexe militaro-industriel qui alimente une politique étrangère US impérialiste. La « révolution verte » a été exportée par l’entremise de la famille Rockefeller qui baigne dans le pétrole, et les nations les moins riches ont adopté une agriculture dépendant de la pétrochimie qui nécessitait des prêts pour des intrants et des infrastructures, comme la construction de barrages. Ceci a été enrobé dans la propagande que ces pays allaient gagner des dollars pour rembourser les prêts en adoptant des politiques de mono-culture, dépendante de l’exportation. Il s’agissait de déraciner l’agriculture traditionnelle et de piéger des nations dans un système globalisé d’enchaînement à la dette, d’ajustement structurel de leurs économies et de marchés truqués. Cela assurait que le dollar reste roi.
Bien que ce système soit responsable de la production de pauvreté, de dépendance et d’insécurité alimentaire, [3], nous sommes constamment informés que nous devons continuer à faire pareil, si nous entendons nourrir une population mondiale croissante. Il nous est dit que les solutions pour nourrir une population projetée de neuf milliards d’êtres humains sont davantage d’ajustements techniques: encore plus d’agriculture dépendante de la pétrochimie, encore plus d’OGMs et encore plus de transport inutile de nourriture à travers la planète. Bien sûr, ajoutez-y une lourde dose de « planning familial » (dépopulation) pour le « tiers-monde », et nous nous porterons très bien…
De telles solutions reposent sur la notion que nous pouvons tout simplement continuer ainsi que nous le faisons, avec des ressources de pétrole inépuisables, un approvisionnement en viande illimité et un assaut perpétuel contre les sols, le bien-être humain et environnemental tels que l’implique une agriculture intensive dépendante de la pétrochimie. Cette myopie ignore le fait que le pétrole ne durera pas éternellement. Le « peak oil » est à notre horizon immédiat, les conflits autour des ressources augmentent, l’eau devient plus rare, les êtres humains deviennent de plus en plus malades à cause du processus de production de la nourriture et les sols se meurent.
La véritable réponse est d’adopter davantage de systèmes agricoles biologiques et écologiques qui soient basés au niveau local et moins dépendants de la mécanisation et de la pétrochimie. Ceci peut aussi déboucher sur un changement vers moins de production de viande, qui impose un poids très lourd à l’environnement et consomme énormément de terres, d’eau et d’apport énergétique [4].
Visitez n’importe quel supermarché aux USA ou en Europe et il s’y trouve une abondance de viande et de fruits exotiques venant de tout autour du monde. Les consommateurs occidentaux ont été conditionnés pour considérer que c’est la norme. Ce qui était naguère considéré comme un luxe passe maintenant pour une nécessité. Les peuples et les nations doivent revenir à davantage d’auto-suffisance et ne pas s’attendre à ce que d’autres, dans des pays plus pauvres, produisent leur nourriture: des fermiers à qui il est dérobé la capacité (leurs terres, leurs semences, leurs marchés, leurs pratiques, leur sécurité alimentaire, &c) de se nourrir convenablement eux-mêmes, ainsi que leurs communautés. Ce que nous voyons qui bourgeonne sur les étagères des supermarchés est souvent le résultat de violence structurelle issue de politiques économiques néolibérales dans les pays exportateurs de nourriture, ou de la violence réelle venant de l’expulsion forcée de gens hors de leurs terres. Ce que nous y voyons aussi est trafiqué avec des articles bourrés de produits chimiques et d’hormones afin d’en booster les bénéfices. Les consommateurs sont aussi les victimes dans la chaîne alimentaire moderne.
Des pourvoyeurs auto-proclamés de droiture morale en politique et dans les médias corporatistes sont souvent extrêmement volontaires pour vilipender les bénéficiaires d’aides sociales au sein de leurs propres sociétés comme étant des « assistés » ou des « profiteurs », pourtant leurs blatèrements moralisants échouent à dissimuler que les victuailles dans leurs placards leur parviennent parce qu’ils profitent des pauvres et des déshérités du monde, qui reçoivent une misère pour leur labeur agricole ou qui ont désormais été contraints à fouiller dans les décharges ou à mendier pour survivre [5].
Le système économique exploiteur actuel et le modèle impérialiste de mondialisation et de développement conviennent aux intérêts des oligarques bancaires et pétroliers occidentaux, aux spéculateurs fonciers et des matières premières, à l’agribusiness global et autres détenteurs de pouvoir. Les gens veulent des solutions contre la faim, la pauvreté et les conflits mais il leur est trop souvent dit qu’il n’y a pas d’alternative à ce qui existe.
Il y en a. Selon Daniel Maingi de Growth Partners Africa, la solution réside au bout du compte dans l’extraction du capitalisme et du business hors de l’agriculture et dans l’investissement dans la connaissance indigène, l’agro-écologie, l’éducation et l’infrastructure tout en étant fermement solidaire du mouvement pour la souveraineté alimentaire [6]. À son tour, ceci se base sur le rejet de l’agenda actuel de l’agribusiness et sur la résistance à la stratégie US d’usage de l’agriculture comme outil géopolitique. Comme dans le cas de Navdanya en Inde, cela implique de remettre en cause la prise de contrôle corporatiste de l’agriculture et d’embrasser l’agriculture soutenable, qui est localement détenue et enracinée dans les besoins des communautés [7].
1] http://public.wsu.edu/~mreed/380American%20Consumption.htm
2] http://www.globalresearch.ca/controlling-the-global-economy-bilderberg-the-trilateral-commission-
3] http://www.theguardian.com/world/2002/jun/23/1
4] http://www.soilassociation.org/LinkClick.aspx?fileticket=stG942kAT_w%3d&tabid=1807
6] http://www.seattleglobalist.com/2014/10/14/gates-agriculture-farming-revolution-africa/29493
7] http://www.navdanya.org/attachments/Navdanya.pdf
Source: http://www.globalresearch.ca/the-future-is-local-the-future-is-not-monsanto/5422096
D’origine du nord-ouest de l’Angleterre, Colin Todhunter a passé plusieurs années en Inde. Il a beaucoup écrit pour le journal basé à Bangalore le « Deccan Herald », le « New India Express » et le « Morning Star » (Royaume-Uni). Ses articles sont parus dans beaucoup d’autres journaux, publications et livres. Son site East by Northwest est à: http://colintodhunter.blogspot.com