Le progrès technologique, c’est fantastique, quand il fait reculer la pauvreté, la faim, permet de traiter les maladies, ou améliore notre bien être. Mais parfois, il peut avoir un autre visage. La quête du profit a aussi produit les cigarettes ou la vache folle. Aujourd’hui, le progrès peut menacer notre vie privée.
Un progrès aux deux visages
C’est The Economist qui a consacré sa une à ce sujet, prenant appui sur le développement des caméras, et du fait qu’elles parviennent aujourd’hui à identifier les personnes. Ici, l’hebdomadaire juge que « davantage de garanties pour la vie privée vont être nécessaires ». Que l’avocat permanent de la liberté en appelle de facto à plus de règles étatiques montre bien que le sujet est d’importance. Il faut reconnaître que souvent, ces innovations sont bien intentionnées. Les mouchards dans les voitures pourraient permettre d’identifier les responsabilités de chacun mais aussi d’améliorer la sécurité.
La vidéosurveillance, permise par les nouvelles technologies de l’information, est un moyen de lutter contre les criminels ou les délinquants. Et cela est bienvenu. Cependant, tout ceci pourrait changer de dimension avec l’arrivée d’une nouvelle génération de caméras, directement incrustées dans les lunettes, une idée testée par Google aujourd’hui. D’un côté, le fait d’avoir une caméra connectée pourrait assurer une plus grande sécurité. The Economist évoque aussi le côté pratique de pouvoir se refaire le film de la journée pour retrouver une information. Mais ces progrès technologiques ont aussi permis de nouvelles formes de harcèlement à l’école, potentiellement encore plus traumatisantes.
The Economist termine son éditorial en réclamant des réglages par défaut protégeant mieux la vie privée sur Facebook et Google et conclut : « la Silicon Valley met en avant le pouvoir libérateur de la technologie – et elle a souvent raison. Mais la liberté que donne un gadget à une personne peut parfois retirer de la liberté à une autre. Les libéraux ont été trop désinvoltes dans la défense de l’idée d’un espace personnel, surtout sur Internet. La bagarre doit commencer maintenant. Sinon, en un clin d’œil, la vie privée pourrait disparaître ». Pour une fois, je partage l’analyse de l’hebdomadaire britannique.
Le sujet est d’autant plus sensible qu’il y a quelques jours, le gouvernement a fait voter une loi qui étend fortement les possibilités de capter les données personnelles. Le Figaro s’en est inquiété, relayant les protestations des acteurs de l’internet. Mise en cause, la CNIL a répliqué le lendemain en soulignant qu’elle n’avait pas été mise au courant de l’intégralité du projet mais seulement d’une partie des articles. Enfin, Atlantico a interrogé un spécialiste du domaine qui a dénoncé le risque d’un Big Brother et condamné très fermement la possible privatisation de cette surveillance.
Encore une fois, on aimerait davantage entendre les politiques sur le sujet. Pour le coup, une commission étudiant les évolutions technologiques du futur et débattant de plusieurs orientations possible à donner à notre politique de préservation de la vie privée, tout en garantissant l’utilisation de nouveaux outils pour lutter contre la criminalité et la délinquance serait sans doute utile. Mais le train législatif semble avancer de manière autonome, au gré de l’influence des lobbys, sans que les hommes politiques jouent leur rôle d’animateur du débat public, et d’aiguilleur de nos sociétés.
La révolution technologique actuelle va vite, très vite même. Malheureusement, il semblerait que le cadre législatif n’aille pas du tout à la même vitesse, puisque même le très libéral The Economist demande une intervention étatique. Il serait temps que nos dirigeants s’emparent du sujet.